Reconquérir les rues

Dans les grands ensembles que l’on désigne aujourd’hui comme “en déclin”, ce qui a décliné puis disparu, c’est la vie sociale informelle. Les habitants le disent bien, une vie sociale y existait autrefois, très vivace sous la forme d’une vie de voisinage, comme dans un village. C’était le temps des pionniers, des solidarités multiples, des associations, des centres de quartiers. Mais elle s’est délitée. Les petits commerces ont été remplacés par des supermarchés. Les associations et les clubs se sont essoufflés. Peu notable au début, l’absence de “vraie rue” est devenue manifeste. On se retrouve maintenant dans des no man’s land. Reconstituer une structure spatiale de rue, où l’on pourrait se retrouver en bas de chez soi dans sa rue, et non pas dans ce no man’s land, n’est pas facile, et ne transformerait certes pas ces quartiers en lieux parfaits. Mais ce serait donner un support où pourrait se ranimer une vie sociale informelle de base, la “vie de la rue”.

Convenons que ce constat concernant les grands ensembles vaut aussi pour la plupart de nos quartiers, qu’ils soient pavillonnaires ou même en plein centre-ville. La vie de la rue s’est tue et de plus en plus se manifeste une souffrance liée au délitement du lien social, au manque de contact humain.

Or, pour qu’une vie de la rue se développe réellement, Jane Jacobs, célèbre urbaniste américaine, nous précise qu’une condition se révèle cruciale : la confiance.

“… cette confiance prend forme, avec le temps, grâce à de nombreux, très nombreux contacts quotidiens entre les individus qui fréquentent la même rue (…) La plupart de ces contacts entre usagers de la rue sont tout à fait superficiels, mais leur somme ne l’est pas. En effet, cette somme de contacts publics inopinés, dans le quartier, la plupart fortuits ou en rapport avec les courses quotidiennes, mais toujours effectués de plein gré et jamais imposés, est d’une grande richesse : elle constitue à la fois un sentiment d’appartenance à une identité commune, un réseau de confiance et de respect mutuels et un recours possible en cas de nécessité personnelle ou collective. Pour une rue l’absence de cette confiance générale est vraiment dramatique, mais on ne peut pas la réglementer car elle n’implique aucun engagement personnel de la part des habitants.”

Ces propos datent de 1961, mais force est de constater qu’ils n’ont malheureusement pas pris une ride.

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